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Jucundus Pour l'abbé Moulis et nombre de ses habitants, l'origine de Joucou dériverait du latin "jucundus" : agréable. Mais il est plus probable qu'il provienne de son abbaye bénédictine : Saint-Jacques de Joucou (Monasterium Santi Jacobi e Jocundo) Il est indispensable d'aborder l'histoire de Joucou sans évoquer son abbaye et l'importance qu'à eu ce monastère bénédictin au sein du Pays de Sault (et même plus loin) entre le IXème et le XVème siecle. Il est évident qu'elle a joué un rôle prépondérant dans la "pénétration" de l'Evangile dans ces contrées boisées et montagneuses.Hélas, les archives la concernant sont rares et incomplètes. On ne sait pas quel a été son impact sur la vie économique de cette région, ni même combien de moines bénédictins ont pu prier sur les rives du Rébenty. L'abbaye aurait été fondée à la fin du VIII ou début du IXème siècle, au moment de la grande expansion monastique dans les pays d'Aude. Les premiers témoignages écrits la concernant datent de 873. Le patrimoine foncier de l'abbaye était considérable : de nombreuses églises et abbayes y étaient rattachées, certaines en Donezan ou Capcir (Sainte-Marie de Formiguères, Saint-Sauveur des Angles...) étaient à des distances géographiques importantes. Dans son environnement proche, la plupart des paroisses de la vallée du Rébenty et du "Petit Plateau" (Marsa, Gébets, Mérial, Niort, La Fajole, Mazuby, Galinagues, Aunat, Bessede...) étaient sous sa tutelle. En mars 1318, elle fut rattachée au diocèse d'Alet et ne dépend donc plus de Narbonne. En 1459, le monastère qui était probablement sur son déclin fut rattaché à la Collégiale de Saint-Paul de Fenouillèdes. Depuis 873, 21 abbés s'y étaient succédés. Aujourd'hui, il ne subsiste que les ruines de l'abside de l'église abbatiale se prolongeant dans le jardin du presbytère. Ses proportions indiquent un vaste édifice. Si l'importance de son abbaye a régie l'histoire de notre village jusqu'au XVème siècle, c'est ensuite son rattachement au Pays de Sault qui va modeler son futur. Le Pays de Sault : terre cathare ? Encadré au sud et à l'ouest par les ultimes bastions du catharisme, le Pays de Sault n'a biensûr pas été épargné par la terrible onde de choc qui secoua le midi au XIIIème siècle. Il resta cependant à l'écart des principales zones de combat ; c'est pour cela que les parfaits et les chevaliers dépossédés de leurs terres vinrent nombreux s'y réfugier. Mais Joucou et de nombreux villages avaient pour seigneurs des autorités ecclésiastiques (abbé de Joucou, chapitre de St-Paul-de-Fenouillet), ce qui fait que l'adhésion au catharisme fut un phénomène minoritaire, voire marginal, dans ces contrées. Après que les derniers cathares eurent rendu les armes et laissé libres les chateaux seigneriaux vers 1240, le roi Louis IX aurait pu transformer ces châteaux en forteresses royales, prolongeant ainsi vers l'ouest la ligne de défense de Peyrepertuse et Puilaurens. Il les fit pourtant détruire. Ce fut le cas de Castelport situé sur les hauteurs de Joucou, dont il ne reste aujourd'hui que les traces d'une ancienne tour carrée. Ces destuctions s'expliquaient par un choix stratégique : après le traité de Corbeil qui fixa la frontière entre la France et l'Aragon dans le Fenouillèdes, les chateaux du Pays de Sault ne se trouvaient plus en première ligne. Plutôt que d'y maintenir une garnison coûteuse et inutile, mieux valait les détruire afin de prévenir leur récupération par l'ennemi. A Joucou, les ruines d'un autre château seigneurial servant d'intermédiaire entre Castelport et Able doivent dater de cette époque, il n'en reste qu'un pan de mur. Restes de l'église abbatiale - Mur du château seignieurial avec vue sur Castelpor Paysans du Pays de Sault Le début du XVème siècle, coincidant avec le déclin de l'abbaye de Joucou, vit l'intégration du Pays de Sault au royaume de France et les communautés villageoises s'organisèrent en se dotant d'institutions municipales : syndics et consuls, l'équivalent de nos conseillers municipaux et maires. Les vilages se rassemblèrent pour commencer à vraiment former une entité : le Pays de Sault. Le 21 novembre 1706, les consuls de 14 villages (Belcaire, Roquefeuil, Rodome, Espezel, Belvis, Galinagues, Camurac, Mérial, Escouloubre, Le Bousquet, Campagna, Belfort, Joucou et Niort) ont été rassemblés. Les Assemblées du Pays de Sault débattent des privilèges de la terre, des usages des bois, et du sel. Les villages du Pays de Sault connaissent une démographie ascendante, leurs habitants vivant de l'agriculture, de l'élevage, de l'exploitation forestière...et aussi de l'industrie. En effet le Rébenty permit l'implantation de nombreux moulins (à farine, à scier, forges...) qui ont permis aussi bien aux villageois qu'à des seigneurs ou des abbés de se nourrir, se vêtir, moudre le grain, scier le bois, développer l'industrie textile. Les incidents de la période révolutionnaire ne furent pas absents du Pays de Sault, peut-être demeurèrent-ils limités et moins sanglants. Les nouvelles venues de Paris arrivaient assourdies et décalées. Joucou connait 2 fortes innondations au XVIIIème siècle, par le Rébenty et par un torrent qui descend de la montagne de Pradels. Il y a eu du bétail perdu, des maisons détruites ainsi que, certainement, une partie de l'abbaye et des morts. D'hier à aujourd'hui Joucou atteint son apogée démographique en 1807 avec 250 habitants.Mais Joucou ne fait pas exception en Pays de Sault : les XIXème et surtout XXème siècles sont marqués par le dépeuplement rural, principalement du à l'exode. 2 crises graves vont secouer le Pays : l'épidémie de choléra en 1854 et la Première Guerre Mondiale.Et l'exode reprend de plus belle. Au début du siècle, Joucou était encore environné d'une campagne riante : des petites parcelles bordaient le Rébenty composées de jardins potagers et d'arbres fruitiers. Au "bac", sur le versant le plus à l'ombre, on trouvait des champs de céréales, des patanières et surtout des prairies de fauche très utilies pour l'élevage bovin. Des vignes occupaient le versant nord (il en existait encore une parcelle dans les années 70). A Joucou, on produisait son vin bien connu sous le nom d' "esquissa bragueta". Dans ses meilleures années il atteignait même les 9°. Il est permis de penser que les moines des temps carolingiens ne choisirent pas par hasard cette cuvette pour fonder leur monastère. A présent, le village occupe une clairière que la forêt encercle peu à peu. Sans doute se présentait-il ainsi au VIIIème ou IXème siècle, lorsque les moines s'installèrent, juste avant les grands défrichements.
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L'avancée de la forêt sur le village : les champs cultivés du début du siècle ont complètement disparus |
Bibliographie : "Le Pays de Sault" Les Amis du Pays de Sault / ACCES - 1998 |